Décris-nous ta relation avec tes parents : y'a cette ombre qui plane au-dessus de toi. Y'a ces attentes qui t'oppressent. Y'a ces obligations qui t’enserrent. T'as un chemin tout tracé, un beau trois pièces taillé sur mesure qui t'attend. Tu finiras avocat des pires ordures, chirurgien accro à la bouteille ou politicard corrompu. Comme ton père. Lui, obsédé par l’image. Lui, occupé à parader. Lui, un jour président des Etats Unis. Ou pas. Pour sa réussite tu souris, tu courbes l’échine, t’es poli, t’es fier et t’es digne. Parce que t’es ciblé, scruté, épié. Constamment. Et tu serres la mâchoire, tu fermes les yeux, tu te mets au pas comme un bon petit soldat. Pour papa t’es prêt à tout. Même s’il a fait du mal à maman et qu'elle a disparu en grande partie à cause de lui. Même s’il a envoyé ta sœur chez ta tante et que tu sais que c'est pour éviter les scandales. T’as pas envie d’être envoyé chez ta tante toi non plus, et puis papa il t’aime. Et tu l’aimes aussi. Tu veux être comme sur les photos qui passent à la télé. Une vraie famille soudée. Ça vaut la peine de quelques sacrifices, et tu veux le rendre fier.
Parce que t'as plus que lui.
Comment ça se passe au lycée ? : t’es le roi, le roi des illusions. Tu règnes parce que ton père est important, que tu te trimballes dans une porsche que tu n’sais même pas conduire, que t’organises des fêtes où on s’arrache la tête jusqu’à en crever. Tes amis, du carton. Ta réputation, du vent. T’achètes. Tu distribues. Tu brasses l’air avec des billets de cent. T'ouvres les bras à ceux qui t’amusent, ceux qui méritent, ceux dont le portefeuille déborde. T’écrases ceux qui galèrent, ceux qui font pitié, ceux qui ont juste une sale gueule. T'es le p'tit fils à papa qu'on aime parce qu'il arrose, qu'on aime parce qu'il rend service, qu'on aime parce qu'il brille. Mais t'es un élève médiocre qui rame et qui s'en sort grâce à son nom. T'es un ami changeant, plus inquiet de sa réputation que de la qualité de ses amitiés. T'es un petit-ami idéal pour la façade mais carrément craignos pour la pratique.
Petit prince de pacotille.
Et le pire, c'est que t'en as conscience.