archi.
a.
r.
c.
h.
i.
et jeff.
j.
e.
f.
f.
avant, ça sonnait un peu comme quelque chose de mélodieux malgré son air injurieux. aujourd'hui, ça sonne comme pardon, comme "rends-moi ce que tu m'as volé", des deux côtés.
innocence, elle sait. tout. ce qu'elle a fait, que l'aînée, du coup, s'est envolée.
mais surtout, elle sait ce qu'il s'est passé. les rumeurs vont bon train au lycée. et la cadette, elle enrage. elle essaie de se dire que c'n'est pas vrai. qu'elle, elle est comme tout le monde et qu'elle passe aussi son temps à colporter de fausses rumeurs pour faire bouger un peu le bahut trop insipide.
mais là, elle arrive pas à se faire entrer ça dans le crâne.
tout ce qu'elle entend c'est :
archi et jeff se sont embrassés. avec la langue. et ils ont disparus. ensemble. p'têtre qu'ils ont couché ?tous ces énergumènes se retournent sur le passage de la tatouée déchaînée. ils la regardent, chuchotent entre eux sur la rumeur. parce que tous savent à quel point innocence est attachée à archi. combien innocence est attachée à sa sœur aînée qui n'est même plus là pour être accusée.
à ces deux partis qui l'ont trahie.
elle serre et dé-serre les poings. aimerait tout casser, tout briser sur son passage.
elle sait pas où elle va, mais partout plutôt qu'au lycée où tous la fixent avec de la pitié peinte dans leurs prunelles mornes. ou ceux, plus cruels, qui rient sur son passage, s’esclaffent d'un :
innocence est toute seule ! elle s'est fait baisée !que des
enculés.
plusieurs se sont retrouvés affublés d'un regard noir. d'autres, moins chanceux, ont eu droit à un coup de poing dans l'estomac bien senti, et d'autres encore - les plus malchanceux - se sont pris des coups de Dr Martens dans les tibias et un peu partout à la pose de midi.
14h.elle est convoquée chez le CPE, mais le fait est qu'elle est déjà dehors, partie loin d'ici. bien entendu que l'administration a eu vent de sa hargne et de sa détresse, des coups partis sur un coup de tête. mais elle s'en fout. peut-être qu'elle préférerait être renvoyée : pour ne plus voir archi. pour ne plus voir jeff qui l'a ignorée toute sa vie et qui aujourd'hui lui plante un couteau dans le dos.
alors elle marche, traîne des pieds, ressasse la rumeur encore et encore. les larmes brillent dans ses yeux, et son cœur saigne.
plic. plic.les goûtes imaginaires de sang se déposent sur l'asphalte à ses pieds. elle l'a mérité, sans doute. anton, fallait pas le toucher, et elle l'a fait. mais elle ne pensait pas jeff aussi sournoise, aussi perfide. et elle ne pensait pas non plus qu'archi réagirait de cette manière, lui qui est si solitaire.
et puis
merde ! innocence, elle s'est excusée. encore et encore.
mais ça l'étonne pas d'archi, vu les mots durs qu'il lui a dit. sa vengeance, sans doute, de n'avoir pas aimé les mots proférés de sa belle poupée.
lorsqu'elle reprend conscience de la réalité, du mascara a bavé sur son minois, laissant des traînées noirâtres sur sa peau diaphane. le soleil est déjà en train de se coucher : il est tard et des étoiles apparaissent, disséminées. dans les rues, tous les adolescents semblent s'être donnés le mot pour sortir. il n'y a que des éclats de rire. ça lui donne envie de vomir, à l'innocente qui ne l'est pas tant.
la musique est vomie des boîtes de nuit et est perceptible dans la rue qui luit. des gens dansent à même le trottoir, sans doute découragés par la queue qui n'en finit pas pour pouvoir rentrer. l'enceinte est bondée, comme chaque vendredi soir.
l'innocente sort un joint de sa poche et demande un briquet au premier gars qui passe sur son chemin. un moyen aussi de tisser des liens. elle ne veut pas rentrer seule et être dans son grand lit trop vide, à même le sol jonché de conneries, pour ressentir toute la douleur dans son bide.
-
hey, t'as pas du feu ?elle demande à un brun tourné vers la boîte. sa veste en cuir moule ses épaules larges et le regard de la blonde se laisse entraîner vers les fesses enfermées dans le jean du garçon. plutôt canon.
néanmoins, c'est la débandade lorsqu'il se retourne...
archi.
oh non, pas lui.
-
finalement, tu sais quoi ? laisses tomber.elle crache, avant de déglutir tous les sentiments qui remontent dans sa gorge soudain trop sèche. la paume de ses mains est moite, rêche. elle se retourne, va demander à quelqu'un d'autre qu'elle commence à aguicher, même si le cœur n'y est pas.
la seule pensée qu'elle a, c'est qu'elle veut qu'il la voit avec un autre. qu'il soit jaloux, qu'il regrette ses mots acariâtres. ses mots-couteaux, mots-assassins. elle ne s'excusera pas. plutôt mourir que de se soumettre à archi, quand bien même son myocarde lui hurle son envie de lui. son envie de faire fit de leur pseudo amitié aujourd'hui brisée pour passer une nuit dans son lit.
alors finalement, elle change d'avis : elle se retourne, chope archi par sa veste et presse ses lèvres contre les siennes. elle n'est pas (encore) ivre ni défoncée, mais elle en a tout simplement assez. de se priver, de lui tourner autour et de baver. ça fait bien longtemps qu'ils ont cessé de jouer.
electric bird.