ça fait du bruit au-dessus de sa tête. les oiseaux volent plus vite, parce qu'ils ont peur que le ciel les emporte dans sa colère, qu'il les frappe dans un coup d'tonnerre.
pourquoi il est en colère le ciel ? peut-être parce que le soleil n'a pas assez brillé aujourd'hui, ou bien peut-être parce que les gens ils lui font trop de mal avec la grosse fumée qui sort des maisons. y'a trop de questions sans réponses dans la tête de merlin.
il a une douce musique dans les oreilles et une cigarette dans la main. il sait qu'elle l'abîme comme un feu qu'on éteint peu à peu, mais ça lui fait du bien.
et puis dans l'herbe il y'a (jolie) cœur qui n'a pas peur de se faire mouiller par les larmes du ciel.
merlin il arrive comme une fleur et il prend place là, lui aussi.

cœur elle le croit magicien, merlin l'enchanteur. comme s'il avait pris le soleil en otage et qu'il avait tapissé le ciel d'un voile noir, éteignant ainsi la lueur du jour sur leurs visages d'enfant.
- je sais pas, oui, tu crois que c'est possible ?
il s'allonge un instant sur l'herbe et sa musique se fond peu à peu dans sa tête, ne devenant qu'un simple écho résonnant dans son corps tout entier. ses doigts courent sur le sol, imitant les gestes délicats du pianiste.
il entend le bruit de l'eau murmurer contre le bord de l'étang. le silence se dépose peu à peu et en deviendrait presque harmonieux.

- moi je veux pas que le ciel pleure, pas aujourd'hui.
ça se voit, quand merlin il a une idée derrière la tête. il a ses yeux enfantins qui pétillent et ses doigts qui frétillent. ses traits fins deviennent des anges sur son visage et son sourire grimpe jusqu'aux étoiles.
il se lève doucement et court vers le gros tas de bois abandonné, là, tout près des bancs publics. on peut y trouver des trésors, à ce qu'il paraît, comme des morceaux de vie délaissés. il cherche, ses mains plongent dans l'bazar, et finalement il revient avec deux énormes planches qui, assemblées, devaient bien faire deux ou trois mètres de long.

- je crois, oui!!!
il a ce regard malicieux et ces yeux grands écarquillés comme quand il était gosse et qu'il découvrait la vie. il s'assoit à côté de joli cœur et il réfléchit, le regard dans le vide, les mains baladeuses sur l'herbe fraîche.
puis ses doigts se mettent à courir sur le bois.
à imaginer,
à fabriquer,
à empiler,
à construire.
la magie opère. les morceaux de bois ne forment qu'un à présent : il est tout fier de lui avec cette grosse planche qu'il tient contre son corps.
- un bateau ou un parapluie, qu'est-ce que tu préfères ?
et c'est presque du pareil au même, dans tous les cas il est question d'eau.

il les imagine alors flotter sur leur planche en bois
et caresser l'eau de leurs doigts innocents
en écoutant la pluie tomber.
puis le soleil revient, là,
il perce les nuages avec ses rayons,
comme des super-pouvoirs,
puis il vient même taper un peu sur leurs peaux.
ça fait du bien, qu'il se dit.
- j'ai presque fini mais si tu veux, tu peux cueillir quelques
petits fruits, les pirates, ça a toujours faim.

elle a entre ces mains des délices qu'elle tient comme un trésor.
merlin il en prend un et le laisse fondre délicatement sur sa langue,
c'est doux,
et sucré à la fois,
ça pétille et ça laisse un goût d'enfance sur les lèvres.
- c'est magique!!!
il lui monstre sa construction,
son radeau, petit bout de paradis,
et il le dépose sur l'eau comme ça,
pour voir.
- tu crois qu'on peut aller loin avec ça?!

Spoiler:

il se sent bien, là,
il sait qu'avec elle,
il a pas besoin d'être quelqu'un d'autre,
il a pas besoin de cacher ses rêves,
il a le droit d'être lui, d'être merlin.
- si on peut aller au bout du monde alors, on y va!!!
puis il dépose un pied, puis deux, et c'est tout son corps qui s'installe sur le bébé bateau, doucement,
alors il tend la main à Cœur, pour qu'il la rejoigne sur son bout de navire.