Ma belle amie n'est pas là, et comme j'ose pas demander à tous ces gens que je connais pas si par hasard ils auraient croisé la petite ange dé-jambée, c'est un peu compliqué.
Poser un lapin.
On me l'avait pas encore fait.
(Peut-être qu'elle est juste en retard ?)
Je vois Silas. Évidemment. Toujours ce truc de foule. Moi, Silas, dans une foule, je le remarque à trois kilomètres (même une foule de géants). Parce que j'ai appris à le guetter partout pour jamais le perdre de vue. Il est beau de loin, et je sais qu'il le sera aussi de près dans son costume qui est peut-être à son papa. C'est ça que j'aurais aimé encore plus moi. Sonner chez les Pollock, et pour une fois, dire aux parents, ce soir je vais au bal avec Silas. On dansera comme des cons et on se marrera comme des fous. Ce sera toujours mieux que la Debbie qui se sent toujours moche dans sa robe et que je dois emmener en slow. Et puis ça aurait l'air vrai de vrai plus qu'avec Debbie.
- Tu danses ?
je dis dans son cou.
Et je ris.

J’ai mis le costume de papa, mais je me sens beaucoup trop à l'étroit. Son odeur a disparu, mais je reste convaincu que trop le boutonner suffirait à m’étrangler, comme si son fantôme ne m’avait jamais vraiment quitter. Mais il me va bien. Alors j’avale plusieurs cachets pour me calmer, sauver les apparences, c’est ce que je sais faire de mieux. Sauf que le nom qui m’est associé, c’est celui de Valentine Olson, et franchement je vois pas qui c’est, peut-être une première année, et cette conclusion suffit à me faire grimacer. Le bal le plus important de l’année accompagné d’une demeurée, ma réputation va en prendre un coup.
- Valentine Olson, je murmure, assez fort pour qu’elle puisse m’entendre si elle se trouve à côté de moi.
Puis je finis par me dire, que je vais vite me trouver une autre partenaire, quelqu’un d’un peu plus correcte, Aenor ou Nastassja peut-être. Mais plutôt que de tourner en rond, je m’attarde au buffet, en observant un peu la foule composé de débraillés et de petites filles peut-être trop apprêtés. Je m’attarde sur personne, à part Oscar, avec son regard perdu. Je le trouve beau mon crétin, mais il est pas important, pas ce soir en tout cas, alors je ravale mon sourire et je détourne le regard.
- Eh bah; j’espère que y a de l’alcool parce que cette soirée va être longue, je souffle dans le vide, cherchant à faire la conversation avec la première personne qui saisira l'occasion de ne plus avoir l’air aussi perdu que moi.

- Avec plaisir.
Il me prend par le bras, comme si j'étais pas capable d'y aller tout seul, moi, danser, et c'est un peu vrai, il est encore tôt, pas encore nuit, on peut pas dire que pour danser, Palo Alto s'y donne à cœur joie, ça va venir.
(Quand on sera des petits vieux incapables de faire deux pas correctement et qu'on aura encore plus de bleus que maintenant, c'est comme ça qu'on continuera à avancer ensembles, avec Silas, en se tenant par le bras.
Je suis sûr.)
- Bah alors, elle s’est perdue en route, ta partenaire ?
il dit en se secouant contre la musique. Il le dit un peu fort, c'est comme dans nos soirées, pour s'entendre faut déjà s'écouter et faut surtout crier un peu. Ma partenaire, j'y pense plus, ça m'arrange, parce que même si je suis bien content que ce soit pas Debbie, même si je roule des mécaniques dans mon costume qui brille le bogoss, j'ai un peu les jambes flottantes, nuage, à l'idée de me retrouver devant une autre fille ce soir. J'ai toujours eu Debbie. Toujours là, dans un coin de mon champ de vision ou de ma tête. Y a jamais eu d'autre fille. C'est bien comme ça. J'ai peur de voir ce que ça donne, un Coma avec une autre fille, ou plutôt ce que ça donne pas. Surtout que si elle a des jambes en miettes, je vais avoir envie de pleurer pour elle.
- Oui, non, je sais pas, on verra ... C'est bien là non ?
Je recule, je recule (en métaphore).
J'aurais pas dû me faire tirer au sort.
- Et la tienne tu l'as larguée ? Elle est pas arrivée ? Remarque vu ta dégaine ...
Je me marre. En rythme.
La chanson, pendant ce temps, elle chante a real hero, a real human being, je regarde Silas en souriant, c'est lui mon real hero, toujours en train de me sauver, même des minis trucs. Là, il me sauve, tu sais.

Elle se sentait un peu conne ici, plantée, comme un piquet. ici, à attendre un signe, n'importe quoi. un truc qui la ferait bouger, qui ferait voler sa robe blanche autour d'ses genoux d'gamine. un bruit sourd qui ferait onduler sa tignasse tressée, fleurie, comme un champs au mois d'avril. elle était pas d'accord, mais c'était bon pour se sociabiliser, pour devenir civilisée, pour devenir moins esseulée qu'elle disait maman, mais papa était pas d'accord, alors maman a crié, alors papa a crié. et maman a gagné. et elle se sentait conne t'sais. dans son coin sombre à observer la foule. elle cherche vaguement Silas. mais c'est qui Silas ?
putain. des blonds, des bruns, des décolorés, des têtes de cons il y en a des tas. pourquoi elle fait pas comme tout l'monde, coller des étiquettes pour les différencier; ici l'branleur, ici l'gentil, ici l'mignon, ici l'bon. puis on va pas aller demander aux gens hein, ça fait trop peur pas vrai. mais c'pas sa faute à Bambi, elle sait même pas danser. elle sait même pas si elle a d'jà essayé.
Mais elle va faire un effort, Bambi, puis si ça foire tant pis.
Un pas en avant. un pas en arrière. deux pas en avant. et elle plonge dans l'noir. le noir qui bouge en rythme. l'noir qui colle, qui sue, qui transpire, qui respire. elle cherche à l'aveuglette comme si elle allait l'reconnaître, comme si elle allait l'connaître. putain. peut-être qu'il était même pas là.
Puis elle étouffe sur la musique, entre les corps, et s'casse la gueule dans l'décor.
Bambi elle est tombée, s'est rattrapée à la ch'mise d'un inconnu qui dansait -parce que c'est l'but de danser pas vrai, même si on a l'air con, même si on l'air bancal- et elle peut sentir ses g'noux d'gamine tout abîmés.
- Pardon, désolée, j'suis tombée
Et elle se sentait un peu conne ici, Bambi. plantée là, sur l'sol, comme une biche cognée par une bagnole.

je la cherche, ma princesse de ce soir, mais elle est pas facile à trouver. je crois qu'elle se cache, elle se cache de moi. elle n'doit pas vouloir me voir, ou alors, elle n'doit pas avoir envie d'être là. ça tombe bien, moi non plus j'en ai pas très envie. alors si je ne la trouve pas, je m'en irais, tant pis. j'irais peut-être voir aenor, rapidement, et je repartirais. mais ça, c'est si elle ne vient pas, ma princesse.
ma nat-quelque chose.
j'essaye de la trouver, je la demande, un peu bêtement, sans savoir même dire son nom. j'ai mes yeux grand ouverts pour essayer de mieux la trouver.
sinon, moi c’est nastassja.
oups. j'ai mis les pieds dans le plat, elle était juste derrière moi. je deviens tout rouge, je me sens mal de l'avoir écorché, son prénom. et puis, il est joli, en plus, quand c'est elle qui le dit. il est doux, il est léger. pas comme quand il est sur une feuille de papier, couché. il y est lourd. là, il vole, et j'aimerais bien pouvoir l'attraper, j'aimerais bien pouvoir le dire moi aussi, aussi joliment. moi, j'sais juste l'écorcher. moi, je grafigne ma princesse.
je me retourne vers elle.
désolé, je..
wow.
elle est belle, ma princesse. c'est une vraie princesse, oui, avec sa jolie robe sophistiquée et ses fleurs dans les yeux. mi-princesse, mi-fée. elle a des grands, grands yeux bleus qui ont l'air lassés d'être là, et je m'y vois dedans, un peu lamentable.
la belle et le clochard v2.0.
j'suis iz.
iz, ton cavalier pas très doué. j'ose un petit sourire, je laisse cacher mes dents. j'veux pas les montrer ce soir, j'voudrais pas briller plus qu'elle.
tu veux boire quelque chose?
je sais pas, moi. j'suis censé faire quoi, au juste? ça se passe comment, ces choses-là?

Putain. elle a pas d'chance Bambi parfois tu vois. elle le fait pas exprès, ça lui tombe dessus comme ça. non. en fait c'plutôt elle qui tombe, qui trébuche et se casse la gueule et qui se relève non sans mal. un peu comme maintenant, là, avec ce blond qui la remet sur ses pieds qui doit sûrement la prendre pour une paumée. paumée comme tout l'monde ici à chercher son cavalier et croire qu'on passe une bonne soirée sous prétexte qu'on est bien sapé, pomponné et qu'on est accompagné. connerie.
Faut qu'elle se tire, qu'elle se sauve, qu'elle aille retrouver Camille, mais elle bouge pas. parce qu'elle a bugé tu vois, faut reboot le système, Bambi elle se dit qu'elle devrait pas être là.
Putain.
- Silas Po-... l'trou noir intersidéral, celui qui t'fait foirer ton oral, celui qui t'fait abandonner l'théatre. Silas. elle a même pas fait gaffe au second gars, un blond aussi. putain mais c'est qui ? elle connait pas l'visage de ces deux types, ni d'personne, elle se rappelle même pas du nom d'ses camarades. faut qu'elle sorte quelque chose, n'importe quoi, elle fait bizarre là, elle fait celle qui sort de nulle part. elle aime pas être là, au milieu des gens à chercher un prince charmant complètement bidon.
ça sera pour te sociabiliser, pour te civiliser, pour plus être une esseulée. connasse.
- Merci pour la chute. c'est pas les bons mots. putain. mais elle fait c'qu'elle peut Bambi c'est promis, mais c'est pas facile quand on est pas d'ici mais qu'on est d'là-bas, d'là où on cause aux étoiles plutôt qu'aux gars.
Pourtant il a l'air gentil l'blond. il a une belle chemise blanche. un peu froissée par sa faute, c'est vrai, mais elle reste belle tu sais.

La jeune fille solitaire n'a pas le temps de me répondre que j'entends une nouvelle voix dans mon dos. Aenor. Elle n'aurait pas dit son nom je l'aurais reconnue quand même. Ouais c'est bien moi Leevy. Puis j'attrape la mains qu'elle me tend timidement. Et j'lui souris parce qu'elle est belle. Elle est jolie Aenor dans sa tenue donc j'ose pas la planter. Et puis ce ne doit pas être difficile de faire un petit effort pour une fois. Pourtant je ne sais pas trop quoi lui dire moi à Aenor. Mais j'oublie pas pour autant Chris et je l'entends. Je perçois dans sa voix, dans ses paroles une pointe de déception. Et puis j'ai envie de lui proposer, à Chris, de venir danser avec nous. Ça doit pas être gênant de s'éclater à trois. Ça doit même être amusant. Mais j'sais pas si Aenor serait d'accord. Et puis j'ai pas trop le temps de me poser la question, parce que j'entends la musique du slow. J'suis pas spécialiste en danse mais je sais qu'un slow c'est à deux que ça se passe. Euh merci quand même … À plus tard. J'fais un léger sourire à Chris et j’entraîne ma cavalière vers la piste de danse. Je lui tiens fermement la main, j'ai pas envie de la perdre dans la foule. Puis je finis par mettre mes mains sur ses hanches, parce que les slows c'est pas mon truc, mais j'ai vu que les gentleman faisaient ça dans les films.

Dans le genre catastrophe naturelle jamais vue, y a cette fille. Une tornincendie. Une tornade de feu. Elle se brise sur Silas (comme une vague) et il la rattrape avant qu'elle se casse le corps par terre. Elle est très belle, elle est très belle et c'est sa cavalière. Il a de la chance le couillon. Petit regard et il s'en va avec elle. Ça me fait drôle. Ça me fait vide. Ça me fait comme si on m'avait enlevé quelque chose à l'intérieur de moi. Genre un organe. Genre un truc bien lourd qui prend de la place et qui se remarque quand il s'en va. Genre un estomac. Ça me fait ça. Silas qui part avec la rousse. Ça me fait comme si j'avais perdu mon estomac.
Je me sens seul quoi.
Et con.
Je marmonne et j'arrête de danser.
Buffet.
Slow.
Murmure.
- Y a pas quelqu'un qui veut danser avec moi ?
Je dis ça pour moi.
Je dis ça pour tout le monde.

Pour rien au Monde, Sol n'aurait raté le bal.Après tout, une reine se doit d'être présente à tout événement de démonstration. Elle s'était paré de ses plus beaux atours pour venir danser, sans cavalier pour autant. Sol n'aimait pas. Bien sûr, on lui avait proposé mais elle préférait rester libre comme le vent, comme les feuilles et comme l'air en vaquant de bras en bras, ça n'était pas cela qui manquerait ce soir puis au pire, y'aurait Debbie pour danser avec elle, un peu bourrées, les talons dans un coin, toutes les deux, comme elles le font durant leurs soirées entre filles. Il y a déjà du monde. Et surtout, déjà trop de musique. C'est assourdissant et ça prenait la tête parce qu'en plus, c'était de la musique de merde. Sol ne regrette néanmoins pas parce que c'est mieux que Papa, tout ça. Elle s'avance, se fraie un chemin dans la foule ou plutôt la foule la laisse passer. Elle sourit, elle brille, elle rayonne, petite poupée déchirée à l'intérieur. Sol va directement se servir un verre. Elle voit un rouquin et une blonde. Elle voit surtout Silas qui danse comme un pied et ça l'a fait marrer. On dirait vraiment qu'il a un truc coincé dans le postérieur. Et le summum de la rigolade, c'est quand sa partenaire se casse la gueule. Là, Sol implose et fiche son nez dans son verre de tequila. C'est dégueulasse mais elle boit quand même, pour faire comme tout le monde, comme sa mère, cette conne. Puis elle entend Coma qui cherche une partenaire. Elle s'en approche, lui tapote l'épaule : « J'suis là mais si tu m'écrases le pied, sale con, j't'arrache la gueule. ». Coma, c'est le mec de Debbie alors bon, Sol elle l'aime bien.

Son rouge à lèvres était bien posé, il dépassait comme sa grande sœur le lui avait appris, comme ça-sera-la-mode-bientôt-crois-moi. Jeff, en partant de chez elle, était sûre d'elle, bien maquillée, virevoltante dans sa robe bleu océan, mais Anton est passé par là et lui a bouffé la bouche, il l'a bouffée d'envie, de ne-va-pas-à-ce-bal-pourri et de qu'est-ce-que-t'es-belle-salope. Alors ses cheveux se sont faits bataille et l'odeur de l'homme s'est imprégnée en elle, et elle est en retard, comme toujours. Ses jambes tremblantes la font courir jusqu'au lycée après un dernier baiser-morsure-au-revoir. C'est pas qu'elle crève d'envie d'aller danser dans cette salle de sport pleine de pré-pubères même pas alcoolisés, mais il est trop tard pour faire demi-tour. Non, non, Anton, je peux pas rester, laisse-moi partir. Elle le répète dans sa tête en voguant dans les rues déjà obscurcies par la nuit. Il est pas trop tard pour s'amuser, jamais.
La salle est pleine quand elle y entre. L'heure est au slow, tout le monde danse, ou presque. Jeff doit retrouver un Oscar – elle le connaît, de nom, de murmures, de non-réputation. Elle a entendu son nom étouffé dans des rires, elle a entendu son histoire traîner dans de sales rumeurs. C'est fou comme il est facile d'entendre, comme il est simple de savoir, de connaître, quand on se tait un peu. Quand on se tait quinze ans. Le pauvre doit l'attendre. Peut-être a-t-il abandonné ? Peut-être est-il parti ? Aurait-il trouvé quelqu'un d'autre ? La blonde avance dans la salle en essayant de ne pas se faire écraser par un couple passionné ou deux pingouins maladroits, le buffet, c'est toujours là que se cachent les âmes esseulées. Quitte à avoir le cœur en peine, autant avoir l'estomac plein.
Enfin, elle le repère, quelques mètres plus loin. Elle mord doucement ses lèvres peinturlurées d'un reste de carmin. Pas de doute.
Alors, Jeff-tempête s'approche et saisit sa main. Salut toi, c'est moi, Jeff. Elle l'attire un peu plus loin dans la foule d'adolescents aimantés deux par deux et passe ses bras sur ses épaules en espérant qu'il comprenne que c'est bien elle sa cavalière. Faudrait pas rater le slow, quand même. Son regard cherche celui d'Oscar – c'est fou ce qu'il fait noir là-dedans, et elle lui sourit doucement. Tout, tout, tout, doucement. Il est beau, sa chemise blanche ferait presque mal aux yeux et dieu merci – dieu merci – il ne porte pas de cravate. Elle noue ses doigts derrière sa nuque et suit la danse. Son sourire s'élargit un peu, il sourit jusque dans ses yeux, ce serait presque drôle tout ça, ce serait presque sympa. Et il a l'air cool, le p'tit gars, elle l'aime bien déjà.
Le plus drôle, quand elle y pense, c'est sûrement qu'ils ont le même truc en fer coincé dans le nez. C'est qu'on a l'air de beaux couillons, comme ça.

Brille brille petite étoile.
Je m'habille. Talons, mousseline, haute couture. Griffée de la tête aux pieds par des artistes invétérés, ma dégaine de pouffiasse me ravit. Sac dior piqué à ma mère, c'est parti pour le lycée. Léo m'attend depuis des heures en bas de l'escalier. J'le vois du coin de mon miroir, dans son costar trop grand. Il serait beau à en chialer, si j'étais pas sa foutue frangine. Parce que ouais, les Roy dansent ensemble ce soir. Quelle joie. Mais faut sourire, chérie, sinon ça t'fera des rides.

Comme un ange tu seras.
Des paillettes aux yeux en poussant les portes du gymnase, y'a des ballons partout, de la musique, et d'la lumière comme des phares. Les pas s’enchaînent sur la piste, Léo me tient, sur le rythme on va, on vient. Il m'attire, je le repousse. On recommence. Léo rit, Léo s'arrête. Léo soupire. Il va nous chercher des verres, soit disant. Il m'laisse surtout en plan.

Perdue au milieu de la piste. Des regards lancés comme des appels au secours, ennui mortel.
Petit ange, tu sais que la nuit est à toi.

Je sors.
Les portes claquent derrière moi, et une tête brune se retourne sur mes pas. Saul. J'connais ce nom, j'me demande pourquoi. Il est habillé comme un plouc, ce mec-là. Et il marmonne. Il marmonne dans sa barbe des mots que j'comprends pas, assis sur les marches. A regarder les étoiles, comme s'il y en avait. Le ciel est vide, noir, juste triste. Tout comme lui. Les seules étoiles cette nuit sont perdues dans mes yeux. Des petites taches dorées au milieu d'un bleu profondément livide. C'qui contraste avec ma chevelure, d'un brun pétant. Roux, mais chut. Faut pas m'dire ça. Être rousse c'est presque une insulte, d'nos jours.
J'm'approche. Un peu, mais pas trop. Juste pour m'asseoir. Pas un mot, j'voudrais pas lui faire croire quoi que ce soit. Si on est là, c'est seulement parce que ça nous gave. Hein? J'en ai un  peu marre, moi, d'jouer à la poupée.

Un bain de foule c'est comme se retrouver au milieu d'une marée noire, celle qui fait mal, celle qui te noie et t'repousses sur les côtés, là où tu t'écrases où tu échoues en échouant avant l'oublie sur l'sable. la foule c'est effrayant, ça pousse des cris, c'est trop bruyant, c'est trop abîmant, c'est (beaucoup) trop vivant. m'enfin on va pas faire chier, hein, on peut survivre face à ça, face aux corps qui se bousculent, qui nous bousculent sur la piste.
Puis en plus elle a merdé Bambi tu sais, parce que l'blond c'était pas un inconnu c'est son inconnu du soir. Silas. Silas au nom bizarre, Silas à la chemise de ce blanc trop blanc. de ce blanc qui fait mal aux yeux. ils avaient l'air malins dans leur blancheur à la con ces deux là, comme deux gamins perdus au milieu du noir, ils se sont plantés d'carrefour l'paradis c'est finalement pas ici.
- Oui c'est ça. c'était marqué à côté de ton nom du gland. c'est c'que Camille aurait balancé s'il avait été là. mais il est pas là, et là c'est l'moment que tout l'monde déteste (ou que tout l'monde aime ça dépend du taux d'alcool dans l'sang ou bien du booboom qui veut en faire qu'à sa tête) c'est l'moment du slow, du moment cliché et pas forcement beau comme veulent le faire croire tous les films un peu bateaux mais quand même jolis à la fin.
- Je danse pas non plus, (d'habitude) mais parfois c'est Camille qui l'oblige. juste pour sourire. faut faire comme dans les films. (je crois) c'est ce qu'elle aurait aimé rajouter pour accentuer son incertitude qui lui faisait mal au ventre.
Elle hésite, elle ose pas, elle le regarde pas, c'est son truc ça à Bambi. éviter tout contact visuel. mais elle va faire un effort, elle va bouger la biche. puis faut s'grouiller avant que la chanson s'termine hein, donc on fait comme les autres filles et on pose ses mains sur les épaules du garçon. ça lui fait bizarre à Bambi, c'est pas les épaules de Camille.
- Et faut tourner en rond. (je crois).

Debbie m'a dit, si je peux pas y aller avec toi, j'irai pas du tout. C'est marrant pour Debbie, de manquer ça, le bal. La vérité c'est que Debbie elle a encore plus peur que moi de se trouver face à un autre garçon, comme moi d'une fille (Bellamy qui joue à cache-cache). Mais petit dieu est avec moi, j'ai de la chance, y a Sol(eil) qui vient me sortir de ma sol(itude).
Toujours de la poésie à la bouche
(Jamais)
- J'suis là mais si tu m'écrases le pied, sale con, j't'arrache la gueule.
Sourire.
- Avec plaisir.
Je la serre un peu contre moi, avec elle j'ai le droit (avec elle ça me fait pas peur come ça m'aurait fait avec Bellamy) parce que c'est la copine de Debbie et que je leur apporte des croissants le matin quand elles ont été sages la veille. Je la serre un peu contre moi parce que c'est le slow qui veut ça. Je regarde dans sa nuque, ça sent trop fort le parfum. Je sais pas ce qu'elle fout là. Dans mes bras. Le hasard a dû lui piocher un cavalier pas assez beau pour elle et elle essaie de lui échapper. Moi, on m'a abandonné. Deux fois (Bellamy) (et surtout Silas).
- Il est où ton cavalier ?

Il la renifle comme un clébard et gentiment, d'un pincement sur la hanche, Sol lui fait comprendre que c'est des chiens, qu'il faut pas la renifler pour faire connaissance. Elle danse avec lui même s'il danse quand même mal et qu'il a l'air d'un gland dans son costume ostensiblement trop grand. Sol se marre quand Coma lui demande où est son cavalier. Elle en a pas. Ouais, elle a refusé à tout le monde, petite diva. Sol en rajoute toujours des tonnes, c'est dans le personnage public qu'elle tient. « Jamais deux mêmes mecs, tu connais le crédo, alors entre ceux qui veulent coucher avec moi et ceux qui veulent recommencer, j'avais plus d'autres choix que toi. ». Doucement, elle détache le premier bouton de la chemise de Coma. « J'veux pas que ton cœur il étouffe devant ma beauté, Debbie m'en voudrait à mort. ». Sol, elle aime bien être une fille facile, une salope comme disent les vilaines filles qui parlent dans son dos au lycée, qui l'envient au fond. Elle aime bien tout au fond d'elle, bien au fond, là où il fait tout noir et où personne ne peut rien lire, rien découvrir, rien savoir.