Décris-nous ta relation avec tes parents : nath.
papa.
maman.
ça aurait dû bien se passer. t'en es persuadée. mais la réalité n'est pas toujours celle qu'on espérait. tu l'as appris à tes dépends.
papa est décédé. il t'a fallut le temps pour assimiler l'information : plus jamais il ne rentrerait à la maison. plus jamais ses bras ne t'entoureront, et dans sa chaleur, jamais plus tu ne seras bercée.
ça fait mal de penser à papa.
mais penser à maman, c'est sans doute pire. de voir le déchet qu'elle est devenue, de voir le fantôme de ce qu'elle était il y a dix ans. c'est comme si elle n'était plus là. plus d'éclats de rire. juste une silhouette qui se traîne, en peignoir et à pieds de chaussette, sur le parquet vernis d'une maison immense qui a perdu toute vie.
maman, jamais elle ne lâche la bouteille dans sa main ou contre son sein. t'es plus son bébé, non, son bébé c'est l'alcool qui lui brûle les veines et l’œsophage, l'alcool qui tente de l'annihiler.
et bientôt, l'alcool y parviendra. et toi dans tout ça ?
toi, c'est toi. une adolescente qui tente de garder la tête hors de l'eau et qui, heureusement, bénéficie d'une aide fantastique, d'une aide magique.
o.
r.
p.
h.
é.
e.
orphée. ça roule sur la langue, c'est sucré en bouche. c'est un sourire, deux grands yeux bleus et une immensité de cheveux blonds. c'est des bras dans lesquels se réfugier lorsque maman boit et que tu te souviens que papa n'est plus là.
Comment ça se passe au lycée ? : le lycée, curieusement, ça se passe bien. t'as besoin de rien.
tout ce que tu veux, c'est oublier la dure réalité. oublier cette mère qui n'en a rien à faire. alors tu te concentre dans les études à corps perdu, à coeur abattu. tu t'dis que c'est pas l'argent qui fait le bonheur, la preuve, t'as besoin de rien. mais peut-être qu'avec un travail où il faudra s'occuper des autres, un travail qui nécessite de longues études, tu te sentiras bien.
alors tu bûches. tes prunelles s'attardent sur ses courbes féminines parfois, et d'autres encore tu constates de ses absentes. collée, on t'apprend encore. mais toi, non. jamais t'es collée, t'aimes trop l'idée d'être intelligente et d'apprendre à connaître la vie.
tu regardes les garçons, les filles, tes lèvres murmurent des mots incompréhensibles, trop savants pour les ignorants, inintelligibles. mais tu la regardes surtout elle et sa chevelure blonde et longue, elle et ses fréquentations. elle et les soirées qu'elle passe avec d'autres que toi, à se perdre dans leurs bras.