“tire là-dessus” tu serres tes lèvres sur un filtre en carton, tu laisses un trace rouge carmin et t’aspires. une fois. deux fois. t’attends un peu, t’inspires, tu fais tourner ta langue entre tes dents. tu souris et tu souffles doucement vers la lune, vers le velouté sombre et nuageux qui menace d’éclater au dessus de ta tête. tu sens rien au début, et puis les quelques étoiles qui ornent le ciel commencent à tourner, elles brillent plus fort, plus haut, et elles tombent vers toi, vite, très vite mais y a sa main pour te protéger. sa main sur le haut de ta cuisse nue, et l’autre qui tient la clope. tu tournes la tête vers lui, il a l’air ailleurs, toi aussi t’es ailleurs. mais pas au même endroit. tu sais pas si t’es haut dans le ciel ou bas dans la terre. tu sais pas si tu crois voler ou si t’as l’impression de plonger dans le sol humide. “tire encore princesse, tire et embrasse-moi” tu te poses pas de question, tu lui fais confiance à ce moment là, tu es toute entière à lui, tu tires sur le joint, tu le regardes mais il a toujours le regard loin. ça t’énerve, tu veux qu’il te regarde, tu veux toute son attention. tu grimpes à califourchon sur lui, sur sa taille, et tu cognes tes poings contre ses pectoraux, tu frappes, tu frappes. tu veux juste qu’il te regarde putain, tu veux de l’importance, tu veux lui faire tourner la tête encore plus vite que l’herbe. tu veux être sa drogue, son addiction, mais il est pas là. alors tu te lèves, et tu pars, tes chaussures à la main. tu mets tes lunettes de soleil même si tu sais pertinemment que c’est ridicule parce que c’est nuit noire. mais comme ça, tout est plus sombre, et tu vois que la lumière, que ce qui brille.

manon / goldigger / dix-huit ans /