ruby est une poupée, adorable, mignonne, et conne.
marine est douce, fragile et conne.
quant à jack, elle est jack, jack, et conne.

elles ont grande allure, avec leurs jeans slims un coup noirs, un coup blancs, un coup gris, et tant de fois bleus. bleus comme ses yeux, comme les fleurs qu'elle se met dans les cheveux, comme les bleus qu'elle se fout sur les jambes. elle ne les montre jamais ses pâles gambettes. toujours couvertes par de grandes chaussettes, ou de beaux collants ou des pantalons forts coûteux. mais personne n'a encore aperçu ses genoux sales. ils sont sales parce qu'elle a traîné partout, qu'elle est tombée plein de fois, et qu'elle s'écorche trop de fois.
jack ne s'appelle pas jack. c'est juste elle, qui a eu envie qu'on l'appelle comme ça. un soir, elle était restée seule à la maison et était tombée amoureuse du film Fight Club. depuis ce jour, elle a lutté pour qu'on l'appelle jack. c'est un peu fou, c'est un peu hideux, mais jack, ça claque. tant pis si c'est pour les garçons, répliquait-elle souvent. même les professeurs s'étaient résignés à l'appeler jack. au moins tout le monde se rappelait de son nom. faut dire que ruby, elle aimait pas ça. c'était pas un putain de rubis, jack. elle voulait pas briller, elle voulait pas être magnifique, elle voulait pas être fragile, alors hors de question d'être ruby.
depuis, ruby s'est faite à l'idée d'être jack. elle aime bien dire qu'elle est "l'ignoble jack". elle aime bien faire peur. la peur c'est la bêtise. elle aimait bien reprendre ce que brel avait dire un jour "la bêtise, ah la bêtise c'est terrible. c'est... c'est la mauvaise fée du monde, c'est la sorcière du monde. c'est la bêtise. y a pas de gens méchants. y a des gens bêtes, mais c'est pas de leur faute hein, et y a des gens qui ont peur, ça c'est de leur faute. des gens qui ont peur et qui assument pas leur peur. je crois que tout commence un peu comme ça. m'enfin ça, ça c'est à un philosophe de déterminer tout ça pas à moi. mais j'aime pas les gens bêtes parce que la bêtise c'est de la paresse. (...) la bêtise c'est un type qui vit et qui dit "ça me suffit". "ça me suffit, je vis, je vais bien. ça me suffit." et il se botte pas le cul tous les matins en se disant "c'est pas assez, tu ne sais pas assez de choses, tu ne vois pas assez de choses, tu ne fais pas assez de choses." c'est de la paresse vraiment la bêtise. c'est une espèce de graisse autour du cœur ou une graisse autour du cerveau, je crois que c'est ça."
elle aimait bien rendre les gens bêtes.
cruelle jack.

pourtant elle est si jeune encore, jack. sous ses airs de grande fille solitaire, se cache une pauvre adolescente perdue. elle et ses quinze ans, elle sait pas quoi foutre de sa vie. faut dire qu'elle a pas envie de foutre grand chose. elle veut juste découvrir le monde. elle veut juste ouvrir grand ses bras, sentir l'air marin, et le vent lui giflerait son blanc visage. c'est ça dont elle a besoin, c'est d'une gifle. une belle gifle, qui lui donnerait des couleurs, qui lui arracherait des larmes des yeux, qui la rendrait sensible. une gifle qui lui agiterait les neurones, qui serait tellement puissante qu'elle serait sonnée, qu'elle n'entendrait rien l'espace de quelques minutes, qu'elle n'entendrait pas la bêtise des autres pendant ces précieuses minutes.
cruelle jack à gifler.

lalaina / l'ignoble jack / bientôt fifteen / paloalto je t'aime