enfant damnée, enfant sacrée, on ne sait plus trop. ce qu'on sait c'est que depuis que la fille CHRIST est arrivée, pas mal de choses qu'elle a touchées se sont brisées, effondrées, tirées.
c'était la nuit, il faisait froid et maman a perdu l'équilibre dans les escaliers. elle tremblait, son corps sursautait puis il s'est arrêté et elle n'a plus respiré. papa et frannie n'en ont jamais reparlé, tout est resté silencieux, rangé dans une boîte feutrée joliment décorée, salement dissimulée. puis c'est alors qu'ils sont restés silencieux, tous les deux, à jamais. et le froid est resté dans la maison, chassant le soleil quelle que soit la saison.
des fois frannie crie mais personne ne cherche à la faire taire.
des fois elle enfile ses godasses et s'enfuit en courant en direction de la lune, des étoiles, du phare, peu importe, du moment que c'est haut et que ça brille, ça peut même être un regard.
à défaut de s'arracher les cheveux, de faire sauter les jolies mèches blondes, frannie arrache les herbes humides. et puis y'a toujours c'te main froide qui lui écrase son minuscule poing contre la terre mouillée. c'est bon t'as fini? elle hoche la tête, elle a pas fini -jamais. c'est bon. t'as fini. tu viens, viens fran, viens j'te ramène chez toi.
puis elle se laisse porter sur dix mètres. puis elle frappe -ou elle caresse, peut-être un subtile mélange des deux, elle sent juste ses mains s'échouer sur le visage- puis elle veut qu'on la repose sur le sol puis elle tombe à genoux puis elle pleure.
après ça, viennent les mains calleuses sur son visage de soie. puis les larmes salées sont chassées. puis la nuit s'enfuit et le soleil chasse la présence. alors elle est juste sur le bitume et les mèches devant son visage et les perles salées sur ses joues.

lou / 18 ans / petit rien qui vous veut du bien