BADABOUM (humoiseau)

le temps file.
c'est ce qu'elle a dit maman l'autre jour au téléphone, le temps file. c'est pas vrai parce que il s'en va pas le temps il est toujours là. les tic tac de l'horloge ils ne s'arrêtent pas, il y aura toujours des secondes,
des minutes,
des heures,
des sonneries pour les f-
bousculades.
de toute façon je finis presque (toujours) à terre quand on doit sortir des co(e)urs,
et ça rit,
et ça crie.
bordel.
c'est pas possible comme c'est désespérant, rafa aussi il doit être en train de courir là quelque part pour vite arriver au squat comme il dit, quel con. de toute façon on est tous cons, même moi putain il est où ce briquet,
merde j'ai paumé mon briquet.
- eh, t'aurais pas un briquet ?
regardez comme je suis con (et pas conne parce que c'est moche comme mot, conne) dans mon pull trop grand (merci beau-papa) et dans le jean troué de mon frère qu'est un peu trop grand aussi. regardez comme je suis con à demander un briquet avec mon roulé mal fait.
- s'il te plaît.

Cézanne il n'est pas beau. Les joues creusées et noircies de poussières. Les cheveux livrés à eux-mêmes et le regard... son regard. Subtil mélange de rage et d'humanité. Non, il n'est pas beau mais il ne fait pas peur. Ses poings bien qu'usés ne sont pas craints. Parce que Cézanne il n'est pas grand avec des gros muscles.
Lui, il est lâche.
Même son corps tente de s'enfuir.
Le blond aspirait à sa tranquillité. Les relations, les autres, c'est un terrain miné. C'était sans compter sur une fille aux courbes dissimulées sous des plis et morceaux trop amples pour elle. Elle quémande un briquet. Cez il ne fume pas, il est assez pourri du cerveau pour s'attaquer à ses poumons. Mais il a un briquet.
Juste parce que la flamme ondulant c'est joli. Dansant.
Ses iris céruléens détaillèrent chacun des traits de l'inconnu empiétait sur son espace vital. Elle avait un nez rond. Un nez en velours on aurait dit. Et des yeux qui eux dévoraient les ressources de la planète bleue.
Un peu joli. Passable. Un truc qu'on attrape, qu'on aime et qu'on jette. Si seulement, il aurait juste pu l'attraper, Cézanne. Mais à la pêche, il est nul. Pas comme Papa.
"Tiens." Les doigts crispés sur la petite bombe. Le morceau de papier roulé coincé entre ses lèvres, elle le remercia d'un vague sourire. Un peu comme un mirage.
Impétueuse. Elle stagnait. Ses muscles visiblement rouillés ne s'activaient plus. Elle restait planté face à lui. Comme un phare. Qui lui rappela sa laideur habituelle. La fatigue qui logeait son visage et son poing violacé qui se mit à lancer.
Brûlure amère.
Raideur enflammée.
Sa main le lance sans qu'il ne puisse dire mot. Il n'est pas comme ça Cézanne. Alors, il tourne les talons pour tenter de fuir le regard et la présence que lui imposait la fille.

les inconnus me faisaient peur mais maintenant j'suis invincible, c'est rafa qui m'a appris.
pourtant mon coeur fait toujours boum boum de façon anormale, surtout devant l'oiseau qui se tenait devant moi. il a une tête de piaf le gars j'vous jure, mais c'est beau. ouais, il est beau, ça lui donne un peu des aires de vagabond, le type de gars qui est libre et qui s'envole quand il veut.
ah.
les gens libres ça me fait rêver, mais les gens qui s'envolent un peu moins. un jour ils vous laissent planté là, un briquet dans la main et ça vous troue le coeur.
et puis pourquoi je fume ?
ouais, mais on s'en fout. fumer c'est mourir mais vivre aussi c'est mourir. l'autre jour, y'a un gosse qui est passé avec sa maman et il a dit "maman on fait quoi maintenant ?" eh, c'est vrai ça
on fait quoi maintenant ?
maintenant, on vie pour mourir chaque jours, et on redonne le briquet à l'humoiseau.
- merci.
qui lui s'en va,
merde.
- eh attends.
pouf, en un rien de temps ma main se retrouve accrochée à son bras, je sais pas trop pourquoi je fais ça.
- attends parles moi de toi.