Décris-nous ta relation avec tes parents : papa et maman n’existent pas
ils nous ont abandonnés, le grand frère et moi. ils sont quelque part dans le monde ou peut-être qu’ils sont morts – personne ne nous a rien dit. le grand frère fait ce qu’il peut, il répare un maximum de voitures camions motos vélos pour qu’on puisse bouffer le soir et pour qu’il me paie l’école. je vois bien qu’il est fatigué et que c’est surtout moi qui le fatigue. faudrait me voir, sautillant partout autour de lui en riant comme un hystérique pour lui dire allez viens, viens jouer à la bagarre. alors il joue à la bagarre avec moi mais c’est toujours lui qui gagne. il m’a déjà assommé, il m’a déjà envoyé à l’hôpital parce qu’il a essayé de péter une bouteille sur mon crâne, parfois j’ai des bleus, des coupures sur les joues
c’est que je le fatigue, aussi, vous les avez pas vues, vous, les grands cercles foncés noirs violets autour de ses yeux et moi autour de lui qui sautille qui sautille les poings fermés et moi qui pense allez quoi viens, viens te battre un peu, viens…
// Comment ça se passe au lycée ? : c’est que je sais à peine lire, à peine écrire, moi. j’écoute pas beaucoup (pas du tout) ce que les professeurs racontent, j’aime pas les mathématiques ni l’histoire-géographie et encore moins l’anglais. j’aime pas la poésie non plus. la lune le soleil les étoiles ça m’intéresse pas, les muses et les histoires d’amour c’est pas pour moi. au lycée moi ce que j’aime bien regarder c’est les jambes les seins les culs des filles. je suis toujours dans mon coin, je dessine sur les tables dans les salles de classe, quand je pisse je fais exprès de rater l’urinoir, j’oublie parfois de me laver les cheveux et de lacer mes chaussures (j’entends les surveillants qui crient après moi et je ris un peu et quand on me regarde de travers je casse des visages et des genoux derrière le lycée)
puis parfois au lycée moi j’y vais pas, c’est le grand frère qui me fait des mots il écrit « sal été malade il n’a pas pue venir ». lui non plus il sait pas très bien écrire, mais c’est pas trop son truc, il préfère avoir les mains dans le cambouis le torse sous les voitures à bricoler des trucs