Décris-nous ta relation avec tes parents : Je pourrais vous raconter d'où je viens, l'enfance pourrie-paillette que j'ai passé, toutes les fois où je me sentais à côté de mes pompes et la tête de ma gouvernante quand je foutais le couteau à poisson dans le beurrier. Mais de une, j'ai pas envie de vous raconter tout ça parce que ça m'assomme rien que d'y penser, et de deux, ça risque de filer un infarctus ou deux à mes parents si je me mettais à blablater sur le sujet. Faut les excuser, ils sont un peu susceptibles, ils n'aiment pas trop que je parle d'eux. Trop peur que je dise une connerie à leur sujet, et qu'à cause de moi, ma mère se fasse virer de son club de lecture des quadras botoxés de Palo Alto et que mon père doive aller jouer au golf quelque part ailleurs, genre dans la banlieue Sud, là où les gens portent leurs clubs eux-mêmes, vous voyez. Quelque chose comme ça. A mon père, je lui serre la main, à ma mère, je lui fais une bise sur la joue. Et je crois que c'est les seuls contacts un peu intimes que j'aie jamais eu avec eux. Mais à part ça, ils sont plutôt sympas avec nous, les Bontemps dernière génération. Avant moi, y a ma soeur partie jouer les stars de série B à Hollywood (ses films sont à chier), et après moi, y a le gamin le plus adorable du monde malgré ses bouts de lui cassés. Je voudrais qu'il ne grandisse jamais. // Comment ça se passe au lycée ? : Après quatre écoles privées pour garçons aux chaussures parfaitement cirées, on m'a envoyé dans le lycée de l'ado-tout-le-monde. J'ai un an de retard. Mon père, ça l'exaspère, ma mère se désespère. Parce que je ne fais jamais mes devoirs ou alors que je les rends toujours trop tard. Parce que m'enfuir sur le toit de l'école ou sous les gradins du stade de football (j'aime pas le sport) pour fumer mes cigarettes (j'ai pas de souffle, je fume trop), c'est mon cours préféré de la journée. J'ai pas envie d'être ici, j'ai toujours mieux à faire. Comme trouver dans demain mieux qu'hier.
Les autres élèves de ma classe ne m'aiment pas beaucoup. Ça me fait les pieds. Y a de tout ici, des grands types tout carrés, des filles qui ricanent bêtement, des gens qui aiment qu'on les aime.
Et puis y a
moi
le pas doué
idiot, fieffé menteur,
et hors de ces murs
la vraie
vie.