chino & bane, bane et chino, on ne se rappelle même plus de la dernière fois où on ne les pas vu trainer ensemble. c'est tous les deux qu'ils ont acheté leurs premiers grammes de maui wowie et qu'ils se sont défoncés jusqu'à ne plus pouvoir tenir debout. c'est ensemble qu'ils ont volé une fois la vieille chevy rouillée du marchand de spiritueux, et qu'ils l'ont plantée dans les marécages à mi-chemin de la montagne. c'est le même soir, dans la même chambre, mais avec deux filles différentes, qu'ils ont perdu simultanément leur virginité. c'est ensemble qu'ils ont rendu visite, pour la première et unique fois de leur vie, aux putes de la ville voisine, "juste pour rigoler". ouais, bane et chino, ils sont comme ça. ils n'ont aucune pudeur l'un envers l'autre, ils n'ont rien à se cacher, probablement parce qu'ils sont comme le même démon de jeunesse dans deux corps séparés. leur relation est tellement étrange qu'ils en viennent aujourd'hui à sortir avec la même fille, Lilo. qu'on se mette bien d'accord, il n'y a rien de plus entre Chino et Bane qu'une bromance pure et parfaite, absolument platonique. Lilo, elle, c'est cet élément de liaison supplémentaire qui est venu s'ajouter avec le temps, comme une évidence. lorsqu'elle a débarqué à Palo, avec son regard magique et ses proportions ultra-haute température, tout le monde a directement compris que c'était une sirène, une fille singulière, survoltée et majestueuse, et elle a suscité la peur. cela n'a pas changé depuis. ses shorts découvrent des jambes fuselées interminables que les mecs ne peuvent s'empêcher d'imaginer enroulées autour de leur taille, et ses sourires sont autant de harpons empoisonnés décochés en plein ventre. avec elle, l'érotisme se conjugue à l'impératif et comprend un voyage pour l'enfer. sa sensualité aimante, magnétise. Lilo est fatale, au premier sens du terme. excessive en toutes choses, tarée sans feinte et dotée d'un sens rare de l'abus systématique, elle déborde d'énergie, comme un moteur qui tournerait furieusement mais à vide, sans mettre en route aucune machine, et ne produisant donc rien de bon. elle a du sang de tita, et un side eye qui vous colle le frisson. elle est terrible, mais avec ce corps qu'elle trimballe, elle peut bien se permettre de manquer d'amabilité. dès qu'elle est arrivée à Palo, on a commencé à raconter des histoires de garçons rendus fous à cause d'elle, et l'opprobre lui est tombé dessus. elle aurait sans doute été chassée de la petite ville si Bane et Chino n’avaient pas mis la main dessus. les deux garçons s'étaient tout de suite sentis électrisés par Lilo: pendant plusieurs soirs, assis sur le perron de la baraque de Chino, un spliff à la main, ils avaient parlé d'elle en des termes graveleux, fantasmant sur ses origines, son aplomb et sur ce qu'ils lui feraient s'ils la croisaient la nuit sur la plage. puis ils avaient eu l'occasion de la rencontrer plusieurs fois au kili's, ils avaient échangé quelques mots, et elle les avait envoûtés encore plus de sa voix mielleuse, aux accents languissants d'un état de la côte ouest. à partir de ce moment-là, ils s'étaient mis à traîner ensemble. malgré les reproches des locaux qui conseillaient à Bane et Chino de s'éloigner de cette futsetta, ils passaient du bon temps tous les trois. le plus souvent, ils se retrouvaient chez Chino, Bane ramenait la weed, Chino jouait de la guitare et Lilo leur racontait des histoires infernales sur tout ce qu'elle avait vécu. et puis un soir, ça avait commencé. la kona gold était monstrueuse, il y avait un moment déjà qu'ils n'avaient rien fumé d'aussi bon. leurs yeux étaient devenus tout rouges et fermés, comme ceux des stoners débutants, ce qu'ils étaient loin d'être pourtant. un vieux ghetto-blaster diffusait it was a good day d'ice cube pendant que Lilo leur parlait de son voyage en thaïlande et de la fois où l'un de ses potes s'était laissé séduire par un trans. lorsque leurs rires s'étaient tus, un silence doux et complice s'était alors installé entre eux, uniquement troublé par le grondement des vagues au loin, le crépitement des doobies et la musique que le blaster continuait de crachoter. c'est ce moment que mackii avait choisi pour poser sa main droite sur la cuisse de milk.. et la gauche sur celle de jai. leurs trois regards s'étaient croisés. et c'était parti en yeuks dans un rush d'adrénaline.

depuis cette nuit-là, la relation entre Lilo, Bane et Chino a franchi un pas. certains habitants vous diront qu'il s'agit d'un triangle amoureux, eux vous répondront que ce n'est pas ça. entre eux, c'est quelque chose de plus fort que l'amitié, mais moins exclusif que l'amour. concrètement, c'est l'histoire de deux mecs qui sortent avec la même fille tout en trouvant la situation absolument normale. Bane et Chino savent que Lilo leur appartient de la même façon que celle-ci est consciente de la fascination qu'elle exerce sur ses deux amants. ils feraient tout pour elle, pas sûr qu'elle le leur redonne en retour, mais peu importe. l'important, c'est l'intensité de la relation qu'ils vivent sur le moment. ils s'en foutent de tout, ils ne vivent que pour eux trois. parce qu'ils sont conscients de ce qu'ils font. ils sont extra-lucides. ils devinent que ce triangle passionnel est malsain et pervers, et qu'ils se sont engagés dans une relation fragile, incompatible sur la durée. Bane et Chino savent que Lilo n'est pas la femme de leur vie, elle-même sent pertinemment qu'un jour ou l'autre elle disparaîtra sans un mot et sortira de leur vie. c'est pour ça qu'ils ne s'aiment pas d'amour, mais de passion, d'intensité, d'électricité, de magnétisme, de fascination. Bane, Chino et Lilo, c'est le genre de rencontre qui n'arrive qu'une fois dans la vie, une connexion éphémère mais intense, un lien extrême qui fonde une vie, une personne. une relation que les autres ne peuvent pas comprendre. un truc qui reste gravé. mais qui ne peut pas durer.