Ce soir t’as même pas le temps de regarder les étoiles, y'en a p'tet dix, quinze au-dessus de toi, t’en sais rien, t’as pas eu le temps de les compter. Puis t’y vois rien, parcque dehors, à côté, y'a les cris qui font brouillards, qui rendent aveugle. T’y vois rien alors que t’as les yeux grands ouverts. Le truc c’est que ça rend jamais sourd ces machins-là. T’arrives jamais à te crever un tympan quand on te crie des injures et des blessures. Même quand tu poses tes mains sur tes oreilles, ça ne fait rien. Ça sert même à rien. Juste à avoir l’air con avec ta tête en forme de potiche.
Y’a le rebord de la fenêtre qui te sert d’accoudoir.
Tu fixes sans vraiment le vouloir les volets d’Haneul. T’es con parfois, tu te dis que t’es con parfois.
On sait jamais, si haneul elle reçoit la visite de son paternel.
Même si tu sais jamais vraiment ce qui se passe quand les rideaux se baissent, tu sais qu’Haneul elle n’aime pas ça. Ça se voit sur son visage, sa tête de déterrer certains soirs. C’est p'tet l'haleine alcoolisée qui l’a fait vaciller. T’aimerais être dessinateur pour lui griffonner un sourire de temps en temps. Rien de bien grand, juste un coup de crayon par-ci par-là.
Tu prends le premier objet qui te vient sur la main. T’as une réserve de gravillon sur le rebord depuis le temps et tu t’en sers pour appeler sans casser les fenêtres.
-Haneul ?

Il fait nuit, une nuit sombre pour toi. Pourtant le ciel est dégagé, tu l’observais il n’y a pas quelques minutes. Mais ça, c’était avant que le grand méchant loup n’entre et ne vienne voler un peu plus cette pureté qui est tienne. Tu subis, tu fermes les yeux, tu es à bout de souffle, tu n’as plus de courage, tu coules, tu te sens envahir par cette souffrance, cet abysse, qui ressemble comme à la mort à tes yeux. Tu as envie de pleurer pour évacuer ces sentiments, mais rien, tes yeux sont aussi sec que le bitume dehors. Ta tête tourne et au loin tu l’entends te hurler dessus. Tu ne fais même plus attention à ce qu’il dit. Tu l’ignores, tu préfères regarder le sol, il est beau ce sol, il est là pour toi, te soutenir. Et puis tout fini. Tu as mal, partout. Tu es comme un robot, rouillée, tu te relèves difficilement et tu tangues contre un mur. Tu souffres. Tu essaies de te focaliser sur autre chose pour oublier tout ce qui vient de se passer. Tes yeux se fermes et tu comptes dans ta tête. Une barbe à papa, deux barbes à papa. En fait, tu arrêtes. C’est que ça te donne faim ! Tu déglutis et puis tu te figes. Un bruit, provenant de la fenêtre t’interpelles. Tu tournes la tête vers celle-ci et t’avance doucement. Tu tires lentement les rideaux pour le voir. Lui, cette petite source de bonheur qui tout à coup, te fait remonter le coin de tes lèvres tout doucement. Lukas. Une chaleur t’envahit et tu en oublies même la douleur. Le voilà ton remède. Lentement tu ouvres ta fenêtre et tu laisses tes avants bras tomber sur le rebord de celle-ci. Ta force t’a abandonné au point d’être une loque. « Lukas. » Tu murmures faiblement en fait. T’es pas sûre qu’il entende. En fait, t’es même pas sûre d’avoir entendu ta propres voix. Alors tu lèves doucement une main et tu fais un signe, un petit coucou. Ça ne se voit pas, mais intérieurement tu te sens mieux. Tellement mieux, comme soutenu. Comme comprise malgré la honte. Parce que malgré tout, tu le sais qu’il est au courant, les murs c’est du papier mâché ici. Mais tu préfères ne pas y penser, sinon tu sais parfaitement que tu vas fuir.

Tu l'entends prononcer un mot, ton mot, ton prénom.
c'est comme un souffle, comme de la brume, c'est trop silencieux.
Mais tu l'entends quand même. Elle fait un geste de la main et toi tu lui sors, tu lui demandes.
- ça va ?
putain.
t'es con.
t'es le plus con de toute cette planète, tu peux même pas faire marche arrière, c'est pas permis. Parfois faudrait vraiment que tu apprennes à réfléchir. et tu te lamentes sans le montrer.
Certains naissent sans savoir poser les bonnes questions.
P'tet que Lukas, t'es une mauvaise question.
maman et papa ils n'ont pas dû réfléchir avant de se dire "et si on faisait un gosse". du coup ça fait plein de bébés-mauvaises-questions un peu partout, ça passe par la maternité et hop c'est déjà trop tard, neuf mois c'est rien dans une vie.
après y'a toujours le lavage de cerveau pour remettre tout en place, mais Lukas il se dit que la chose est faite, que c'est trop tard.
il veut même pas qu'elle lui réponde, alors il essaye de chercher autre chose, changement de sujet, retournement de situation. il appellerait bien le 911 pour que quelqu'un lui vienne en aide.
- T'as vu dans le ciel, les étoiles ont écrit ton prénom. ça doit être un signe ça.
putain.
t'es con.
t'es le plus con de toute cette planète.

« ça va ? » Tu ne sais pas trop ce que tu dois répondre. En fait, c’est un peu déconcertant pour le coup. Tu le sais qu’il sait, mais là, tout de suite, avec cette question tu as du mal à répondre au tac au tac et à dire ces quelques mots, ça va oui. La gorge nouée, tu te demandes comment tu pourrais répondre à ça. C’est dur. Mais tu le pardonnes quand même. Tu sais que c’est de la maladresse. Il a surement essayé de bien faire. Tout ce que tu trouves à faire c’est de soupirer et baisser la tête. Il s’en passe des choses dans ta tête, trop même. « T'as vu dans le ciel, les étoiles ont écrit ton prénom. ça doit être un signe ça. » Ton regard se fige et tu relèves la tête pour voir le brun à la fenêtre. Elle sourit Haneul. Oui, elle est contente. C’est con, mais elle sourit car il ne se doute pas une seule seconde du jeu de mot qu’il vient de faire avec son prénom. Tu te mets alors à les regarder ses étoiles, tu tends même un bras, comme dans un espoir vain de pouvoir en attraper une. C’est impossible, elles sont bien trop loin. T’aimerai être la fée clochette à ce moment pour voler, tout haut, tout là-bas. « Tu savais que mon prénom, Haneul, en coréen ça voulait dire ciel ? » Tu lui dis, tu te confesses. « J’appartiens peut-être au ciel, c’est pour ça que les étoiles forment mon prénom, tu crois ? » T’aimerai en fait, que les étoiles forment ton prénom. Pouvoir y lire Haneul. Ça serait beau hein ? Toi qui aime contempler le ciel à plus de quatre-vingt pourcent de ton temps libre. C’est aussi peut-être pour ça que t’aime la couleur bleu, sous toutes ses formes. Et que tu rêves d’un monde en bleu.