Décris-nous ta relation avec tes parents : la maison des émotions. la maison des contradictions. maman, elle était ravie d'avoir un enfant. papa un peu moins. il était pas prêt, il parait. mais bon, quitte à avoir un gosse, autant qu'il soit parfait, pas vrai? papa strauss, il était flic, il était flic et il voulait un mec, un vrai, pour encenser son nom. alors arsen, tu chiales pas, tu te plains pas, même si on te brime ou qu'on essaie de t'arracher ta dignité. quoi qu'on te fasse, tu restes droit, de l'acier dans les prunelles et du venin sur les crocs. et t'attires pas des problèmes, surtout, ouais, t'évites. c'est déjà assez difficile comme ça. c'est vrai, papa était aussi rigide qu'une corde d'arc tendue. les sourires épars et les mots tendres emprisonnés par ses lèvres constamment pincées. c'est vrai, en grandissant, le gamin a peut-être eu envie de jeter le feu aux poudres juste pour le voir se dérider. c'est vrai, eux deux dans la même pièce, c'est les regards électriques, la confrontation qui s'invite. mais dans le fond, c'est son papa. son papa qu'il aime et dont il voudrait gonfler le coeur de fierté. quant à maman, elle est malade, maman. ça suinte la douleur sur les murs, teintés d'une touche de désespoir, parfois, lorsque l'humeur n'y est pas. toutefois arsen se l'est promis: même si elle doit monter là haut, elle le fera en riant. Comment ça se passe au lycée ? : "il dit non avec la tête mais il dit oui avec le cœur, il dit oui à ce qu’il aime, il dit non au professeur; il est debout, on le questionne, et tous les problèmes sont posés; soudain le fou rire le prend et il efface tout, les chiffres et les mots, les dates et les noms, les phrases et les pièges; et malgré les menaces du maître, sous les huées des enfants prodiges, avec des craies de toutes les couleurs sur le tableau noir du malheur il dessine le visage du bonheur". ce poème, c'est comme s'il avait été écrit pour lui. comme s'il était le joyeux luron dont jacques prévert relate gaiement l'attitude en ces mots. à l'école, tout le monde l'apprécie, arsen. même les professeurs, à contre coeur. en fait, ça dépendra surtout de vous. il peut casser des crânes en deux si nécessaire, mais n'empêche que strauss, c'est la dose de sucre dans le café amer, la bourrasque de vent qui rafraichit l'air étouffant de la classe tandis qu'il ouvre la porte, la petite bouille narquoise qui distribue des sourires. ses notes? elles tiennent la route. alors ouais, le noir, les larmes, c'en est trop. lui, ce qu'il veut, c'est voir des pommettes rehaussées et entendre des éclats de rire s'élever vers le ciel.