elle m’a enfermé dans ma chambre, il y a déjà deux jours de ça. elle crie, il pleure, il m’insulte à la porte. Roman croit avoir le pouvoir mais il fait fausse route, je peux le briser, lui faire la peau. je veux bien endosser le rôle du méchant, aucun problème. ma mère m’apporte une assiette de frites, seulement des frites. elle prend la peine de me regarder mais ne me parle pas. pas de suite, elle se fait bien prier dix bonnes minutes.
- on va devoir se passer de toi Boris.
- quoi ?
- il faut que tu vois un psychologue, tu as un problème, un problème avec la violence.
- c’est à cause de l’autre handicapé putain, c’est lui, c’est ce putain de fourbe. maman, m’oblige pas à partir.
je la regarde, elle me regarde. je me sens vide, abandonné. je regarde Roman, il a l’air apaisé par cette décision. je ne lui en veux pas, je crois, j’ai encore son sang sur les mains il me semble. néanmoins, par sa seule présence, il me prend tout. je suis comme obligé de le détester, lui l’aîné. je ne peux plus vivre sous cette ombre pesante, à lutter pour respirer. Il m’écrase, sa malade m’étouffe.
- fils de pute.
il regarde la télé et se tourne vers nous, j’étouffe un rire, presque amusé. j’ai décidé d’en rire pour une fois.
- c’est quoi ? un service psychiatrique ? un gosse timbré c’est pas suffisant ?
elle vient me gifler, une fois, deux fois. je la laisse faire sans rien dire, je joue les pantins désarticulés. elle pleure mais pas pour moi, certainement pas pour moi. la sonnette retentit. le voisin sans doute, il rapplique toujours quand le ton monte. mon frère va ouvrir et deux hommes s’invitent dans notre modeste salon. je ne les connais pas. est-ce une faute ? ils dévisagent ma mère et en quelques secondes à peine, le piège se referme sur sa proie, moi. ils me plaquent durement au sol. j’ai la soudaine impression d’être un Corleone, j’ai bientôt de magnifiques menottes, le must. direction le camp de redressement pour mineurs de Sunnyside. c’est là-bas que j’ai perdu la joie de vivre, mes rêves et le reste. je suis une coquille vide qui ne demande qu’à ressentir quelque chose. pas forcément de l’amour, je veux juste exister aux yeux de quelqu'un.

« wendy,
t’as un prénom de merde.
je dois écrire une lettre et j’ai pensé à toi.
je sais pas pourquoi.
aucun mort à déclarer, juste quelques coups, un oeil au beurre noir, un coquard.
je vais pas revenir au lycée wendy, je vais plus t’ennuyer.
je vais suivre les nuages dans le ciel et voler.
je veux être vivant wendy, ressentir la vie
et dans un dernier souffle pouvoir trembler.
je veux pouvoir t’aimer wendy, te baiser. »

sam / holyghost / vingt-deux ans / amen