y'a différentes teintes de gris.
du gris foncé, du pâle. y'a du noir et du blanc.
du monochrome d'époque dans mes yeux amande.

c'était comme toucher les étoiles, dans cette voiture.
le vent dans les cheveux, le vent entre les doigts. l'infini du monde contre nos paumes de mains grandes ouvertes, tendues vers le ciel pétrole et lucioles. traverser l'espace-temps avec un moteur turbot, rêver éveillé d'une vie velours, sucrée, dénuée d'amertume. c'est presque magique, mais ça se brise comme le pare-choc du véhicule. ça se brise comme nos os qu'on croyait si durs et forts. ces os blancs qu'on croyait solides grâce à tout ce lait, ce fromage et ces yaourts qu'on nous répétais de manger, enfants. on est des poupées de chiffons se balançant dans les airs sans avoir l'impression de tomber. on chute pourtant trop rapidement, le sol bitume sous nos yeux, sous notre nez, sur notre peau, dans nos pores, dans nos plaies ensanglantées. on est lessivés par la douleur, on est amochés par la vie qui voulait nous dire: ''oh, gamins, ralentissez. oh, gamins, prenez votre temps. oh gamins, redescendez sur terre.'' on a dégringolé du ciel comme des anges, mais on est des âmes égarées sur le pavé brûlant d'un 1:32 du matin bouillonnant d'action. c'est des sirènes, que j'entend ? c'est des lumières bleus et rouges, que je vois ? c'est le noir-mort qui me ronge les entrailles, qui me gruge la vue ? c'est quoi, tout ça ? c'est le grand néant.

achromatopsie.
c'est un mot compliqué pour pas grand chose.
c'est un mot trop long pour si peu.
c'est encore du noir et du blanc.
du gris dans les yeux.
et peut-être, oui, sûrement,
du gris dans l'âme.

maman a écrit le nom des couleurs sur l'étiquette de mes vêtements. elle fait attention aux détails et moi, je pleure encore un peu. je cligne des yeux, comme si y'avait toute la poussière des étoiles de l'univers infini entre mes paupières, sur mes cils. je n'vois plus les couleurs chaudes, ni les couleurs froides. je pleure encore un peu, et ça fait un an. une année monochrome, une année ombre. ''c'est comme ça'', qu'ils disaient, les médecins. ''c'est comme ça, c'est la vie'', qu'ils répétaient, la mine abattue. traumatisme crânien; vision altérée. et moi, les couleurs, elles me manquent. les couleurs, je les rêve, je les imagine.

coralie / venus in furs / 19ans / c'est beau