la tête blonde couverte d'un fin voile immaculé, une jeune femme s'avance dans l'allée dallée de la divine maison de dieu. les mains rangées sagement devant elle, tout dans son attitude respire la foi et le respect.
néanmoins, ses prunelles pourtant si belles sont noyées dans les larmes.
elle pénètre dans le confessionnal, en tapotant ses joues d'un mouchoir où sont brodés ses initiales. E. J. ce sont ses armes.
- pardonnez-moi mon père parce que j'ai pêché.
- je vous écoute mon enfant.
les lèvres tremblotantes d'avoir ainsi bafoué les liens sacrés l'unissant à dieu, la jeune femme baisse les yeux pour regarder ses ongles longs et nacrés, seul acte d'égoïsme qu'elle s'autorise réellement, seul acte qui ne soit pas dévoué au tout-puissant.
- eh bien, commence-t-elle, je ne peux pas ! je ne peux pas vous le dire, c'est tellement... tellement mal !
- dieu pardonne tout. et tout le monde. allez-y très chère, ce serait plus grand pêché que de ne pas le confesser.
- j'ai... j'ai fait un rêve érotique.
elle se triture les mains, n'ose croiser le regard du prêtre dans le confessionnal pourtant tamisé.
- mais voyons ! ce n'est pas si grave. les désirs de la chair sont communs, il suffit juste que vous appreniez à les dompter. vous réciterez trois
notre père et...
- non mon père ! c'est tellement... tellement dégoûtant ! ce n'était pas avec un inconnu mais... mais avec mateo.
mon frère. j'ai honte, tellement honte... et le pire dans tout ça c'est que je ne pense qu'à concrétiser ce rêve. je suis mal à l'aise en sa présence, parce que dès que je croise son regard, je me souviens de ce rêve et ô combien il était agréable. je sais que je suis immonde !
elle entend l'homme s'offusquer. ses poumons se remplissent d'un air vicié, alors qu'il est tellement choqué. il y a de quoi : elle ne peut pas le blâmer. il reprend contenance et elle ravale avec peine ses larmes pour ne demander que la clémence.
- dans ce cas... il vous faudra réciter trente
notre père et cinquante
je vous salue marie. dieu pardonne tout et tout le monde...
même les actes les plus répugnants et les plus abjectes.elle déglutit, alors que déjà ses joues sont rougies par la honte, par la colère d'être ainsi traitée. elle a du mal à le supporter.
- c'est... beaucoup. mais je le ferai, je vous remercie de m'avoir écouté et... comprise.
le prêtre chasse ses mots d'un geste de la main agacé, d'une mine dégoûtée. elle sort du confessionnal, enfouissant encore davantage sa gueule d'ange derrière son voilage. elle ne peut faire face à ce regard dédaigneux qu'elle sent peser contre son dos gracieux. alors elle quitte l'église, plus dépitée que sauvegardée, que rassurée.
[...]
de nouveau, une silhouette diaphane se détache des ombres noirâtres de l'église. plus rien, sur elle, ne semble avoir d'emprise.
sa démarche est assurée, agacée aussi. ses poings sont crispés, ses prunelles ne font qu'agresser chaque objet sur lesquels elle ose les poser.
elle entre dans le confessionnal, les lèvres pincées.
- aujourd'hui mon père, je viens vous demander le pardon pour ma
mère.
elle crache le dernier mot comme une abomination, une aberration.
- je vous écoute mon enfant. tout le monde est pardonné dans la maison de dieu.
- j'aimerais avoir Sa clémence. parce que moi, je ne peux la pardonner.
elle se mord la lèvre inférieure, boue de l'intérieur.
- ma mère a pêché mon père. j'ai découvert il y a peu qu'elle l'a
trompé. mon père. c'était évident pourtant... je suis la seule à être blonde dans ma famille. mais j'ai trouvé une lettre dans sa chambre, bien planquée. une lettre d'un amant du passé. dans l'une d'elles, ma mère lui avouait être tombée enceinte. que jamais elle ne le dirait à mon père. qu'il n'existait pas, que c'était une erreur. une lettre qu'elle n'a jamais eu le courage d'envoyer... et sur laquelle je suis tombée.
- je vois. le Seigneur comprend votre difficulté à la pardonner, mais si Lui le peut, vous le pouvez aussi. vos parents demeurent ce qu'ils ont toujours été. rien n'a changé.
la jeune femme hôche la tête tandis que des larmes roulent et s'écrasent du haut de son menton sur le sol velouré. elle manque d'imploser. non, elle ne peut pas. non, elle ne pourra jamais. c'est trop demander.
elle se lève, las. elle ressent tout le poids de la haine, qui la corrompt, qui la vide de son énergie.
- je vous remercie.
elle quitte l'église, bien déterminée à ne rien changer, à garder le secret intacte... mais pas auprès de mateo. il a le droit de savoir. et puis... si elle n'est pas véritablement sa soeur, est-ce mal qu'elle désire tant et tant de passer de plus amples moments en sa compagnie ? qu'elle désire tellement oublier l'agonie dans ses bras rassurants et s'unir pour la vie ?
ils partagent la même mère. mais tout a changé. les valeurs sur lesquelles elle a été éduquée ne sont plus : pas de mensonges, une famille aimante et soudée. sa mère n'a pas aimé que son père. ils sont unis par les liens du mariage mais pas jusqu'à ce que la mort les sépare.