Samedi, treize heures et enfin, Sagramore peut quitter son lieu de travail. Il avait passé sa matinée à faire des pancakes, encore. Et après, il avait fallu nettoyer la cuisine. Deux de ses collègues étaient absents, ce qui lui avait rajouté du travail. Ses bras lui tiraient et il se sentait plus fatigué qu’après une longue journée au lycée. Et puis, il se sentait las. Quelque chose n’allait pas, aujourd’hui. Le spleen de l’adolescence ? Le fait d’être enfermé dans des cuisines le samedi matin, dès sept heures trente alors que d’autres dormaient encore, après avoir fait la fête ? Il y en avait eu une grande, hier. Mais il n’en avait pas entendu parlé. Personne ne l’avait prévenu. Certes, le jeune homme n’aurait pas pu s’y rendre ! Pas de sorties tard dans la nuit la veille d’un jour de lycée, ou de travail. Quoiqu’il lui arrivait de faire le mur.
Mais, c’était vexant que personne ne lui ait proposé d’y aller. Peut-être que Sagramore se prenait la tête pour rien, certainement même – mais il n’aimait pas se sentir mis de côté. Oublié. Il appela, en sortant, un de ses pères et lui demanda le droit de passer le reste de la journée à l’extérieur. On lui rappela que s’il ne voulait pas manger à la maison, il devait prévenir avant que le repas ne commence à être préparé – onze heures trente. Ce à quoi l’adolescent répondit que c’était difficile de passer un coup de fil quand on doit faire dix pancakes par minutes. Son ton ne plut pas, les voix montèrent. Des regards se tournèrent sur lui, alors qu’il était planté en plein milieu du trottoir, à ne pas savoir quoi faire. Rentrer ou fuir de l’autre côté ?
On lui dit qu’il n’avait pas mis les formes. Ni s’il te plaît, ni merci.
On lui dit qu’il n’avait pas d’argent sur lui. Son porte-monnaie était resté dans sa chambre.
Et que dans son sac, on avait trouvé la capsule d’une bouteille de bière.
Sagramore raccrocha, outré que l’on ait encore fouillé dans son sac et honteux d’avoir été pris ainsi. Quelle erreur ! Voilà une bonne raison de vouloir le faire rentrer. Voilà une bonne raison de le punir pour le reste du week-end ! Bref, hors de question de rentrer de lui-même. Certainement que dans deux heures Roydon ou Kendall iraient le chercher, au travers de toute la ville. Ils le connaissaient bien, dans quatre heures ils auraient mis la main sur lui ! Il n’y avait pas beaucoup d’endroits, pour l’adolescent, où il pouvait traîner. La plage, le skatepark. Le dédale que formaient les rues.
Incapable de se décider, il regarda dans son répertoire à qui il pouvait envoyer un sms. Pour qu’on lui dise d’aller quelque part, pour qu’il puisse se distraire en bonne compagnie. Mais en repensant que personne n’avait pensé à l’appeler hier, avant la grande fête, il se rembrunit. Quelle affreuse journée.