la mer c'est joli. les flots calmes, allégorie de la paix et de la douceur. les eaux déchaînées, reflets de la folie du monde. je viens là pour être seule, souvent. c'est le parfait endroit ou errer. on peut crier les mots durs du haut de la jetée. c'est aussi l'endroit pour éviter.
éviter de pleurer quand ça va plus et que les yeux débordent, enfantant des torrents.
éviter de frapper une idiote qui rit trop fort, sécher les cours.
éviter tous ces gens qu'on veut pas voir parce que trop de conneries dites, trop de comptes à régler.
éviter la vie.  
le vent souffle si fort dans mes cheveux. ils s'emmêlent impitoyablement. et l'air iodé est tellement enivrement. le sable sous mes pieds nus irrite un peu la peau, mais regarder l'horizon suffit à me faire oublier cette sensation. je marche en ligne droite vers l'eau, sans regarder le reste de la plage.
tout ce qui compte c'est d'éviter.
je suis là pour échapper à l'emprise du temps. ce briseur de rêves maudit.
j'entends des mots au loin. indistincts. mais je m'approche un peu. je crois. ils deviennent plus clairs. ils sonnent plus percutants. ils sont aussi cruels que tristes. les insultes pleuvent mais elles ne sont pour personne. elles se jettent droit dans la mer. et la voix est brisée. le problème c'est que je reconnais cette voix, et que je n'ai pas envie d'affronter ce qu'elle implique. je continue de marcher pourtant.
je le vois bien maintenant. et je suis sûre que lui aussi peut me voir. que faire ?
que dire ?
le problème c'est eux. ils méritent toutes ces insultes plus que toi. le problème c'est ceux qui te font du mal. c'est moi.
désolée.
le mot qui fait mal et qui obstrue la trachée.
celui qui fait trembler les autres mots et le bout de mes doigts. ou bien le vent peut-être.