Décris-nous ta relation avec tes parents : il y a le beau visage de maman, caché quelque part. son joli minois, dissimulé derrière de vieux bouquins. il y a son sourire désenchanté, planqué à droite. ou peut-être à gauche. et il y a aussi son regard de braise avec ses cendres qui volent un peu partout. le beau visage de maman, il est quelque part. il est partout et nulle-part à la fois. il est le mystère de toujours, la question refoulée. parce que maman, elle est comme ça. c'est pas une inconnue, c'est juste une planquée. elle est comme un trousseau de clés. un qu'on perd tout le temps et qu'on retrouve des mois plus tard, par hasard. quand on a déjà remplacé les vieilles clés par des neuves. des plus brillantes, des plus fiables, des plus jolies. c'est dommage parce que maman, elle est pas une vieille clé pourrie. elle brille comme une étoile. mais maman, elle s'enflamme comme une botte de paille. et après, elle brûle. elle est chaude comme des flammes. et alors là, maman est perdue. donc faut pas s'étonner si on cache maman. faut pas s'étonner si maman rentre pas après avoir fait les courses. faut pas s'étonner si maman crie alors que papa est pas à la maison. faut pas s'étonner si maman fait la conne. c'est dans les gênes, c'est dans le cœur. comme un million d'atomes qui éclatent jusqu'au noyau. c'est un peu ça, maman. un atome fragile. instable. un atome dissimulé qui réapparaît un peu plus tard. comme ça, par magie. et surtout, jamais au bon moment. alors ouais, faut pas s'étonner si papa planque maman. faut pas s'étonner s'il cache son joli minois derrière des photos sans intérêt. parce que s'il le fait pas, tout le monde va savoir. et papa, il est pas comme ça. papa, c'est un discret. un brin timide, un brin rêveur. tête dans les nuages, à planer à vive allure sur fusées en feu.  papa, il est magique. mais pas comme maman. lui, c'est un as de l'abracadabra. il est gentil, papa. il est sans histoire, il est sans maux. on peut même en abuser, de papa. parce qu'il a pas de limite. mais papa, il est pas comme maman. il est con. il est gentil, alors il est con. con comme une libellule, con comme un petit chat, con comme un pauvre type. il sert à rien, papa. il serait pas là, la maison serait juste sale. délabrée. en morceaux. explosée comme une fusée. il est comme maman, par moments. absent, fantôme. mais présent en même temps. alors papa, il est bizarre. parce qu'il est con et gentil. c'est ça le problème avec papa. papa, il aurait pu partir. il doit partir, même. mais comme un con, il reste. pas pour la gamine, il reste pour maman. parce qu'il l'aime comme un con, il l'aime à en crever. alors que maman, elle aime même pas la gamine. maman, elle aime que les armes, les roses, la soie. maman, elle aime les jolies choses. alors forcément, elle aime plus papa. parce que lui, c'est une vieille voiture qu'on refuse de casser. c'est une carcasse en métal un peu sale, un peu moche. et surtout, un peu trop rouillée. alors avec papa  et maman, faut pas s'étonner si c'est un peu beaucoup finis.
Comment ça se passe au lycée ? : els, c'est la foule au loin. un cri qui résonne dans le néant. c'est une ombre sur un mur, une légère secousse qu'on oublie bien vite. parce que els, elle est pas comme maman. elle est pas comme papa. els, c'est l'enfant sauvage. alors quand elle quitte son nid, elle tremble. elle a la peau qui frissonne, le cœur qui chavire. elle a les pieds qui traînent sur le macadam. elle a la vague à l'âme. mais faut pas lui en vouloir. faut pas s'étonner de tout ça. c'est normal, d'être els. d'être née un peu trop grande, un peu trop maigre, un peu trop laide. dehors, dedans. c'est partout comme ça. c'est même la vie qui est comme ça. alors forcément, ça hurle. ça crie, ça se plaint. ça sort les poings, ça sort les seins. pas comme maman. parce qu'il faut pas abuser. faut pas plonger dans la démesure. dans l'excès. els, au lycée, c'est raisonnable. c'est bien, c'est pas bien. c'est médiocre. tout est médiocre. les vitres un peu trop sales, le sol un peu trop glissant, les mecs un peu trop cons, les filles un peu trop faciles. les bavardages, les enfantillages, les corps qui brûlent, c'est pas ça. le lycée, c'est un peu trop blanc, un peu trop noir ; un peu beaucoup gris. c'est comme la vie. mais non, c'est pas comme papa ! c'est pas comme maman ! le lycée, c'est moche. c'est pas beau, c'est pas drôle. c'est triste, c'est dégoulinant d'eau salée. d'eau écarlate. mais attention, c'est pas ce que vous croyez. els, c'est un mensonge. c'est qu'une fille parmi tant d'autres. celle qui reste au fond de la classe sans jamais ouvrir sa gueule. alors forcément, c'est un peu, beaucoup, énormément, une inconnue. une gamine perdue dans la jungle, dans la cour des grands. un peu trop jeune, un peu trop sensible, un peu trop vide pour ce genre de choses. donc ouais, faut pas s'étonner si elle vous casse les couilles quand vous la faites chier. parce qu'elle veut pas être remarquée. elle veut pas entendre son prénom quelque part. elle veut pas se faire voir, c'est plutôt les autres qui doivent se faire voir. se faire foutre. bien profond, comme maman (oups c'est pas bien de dire ça). parce qu'en fait, els, c'est pas ce qu'on croit. ouais, faut le dire, elle ressemble à papa, à maman. elle a les fesses d'une pute, les lèvres d'une pute, le corps d'une pute, la démarche d'une pute. la naïveté d'un con, la sincérité d'un con, la générosité d'un con, les gentillesses d'un con. mais els, c'est pas ce qu'on croit. alors quand vous saurez, faudra s'étonner.