Décris-nous ta relation avec tes parents : oui, non. Jamais, toujours. Contradictions et boule de shit. Un jour peut-être il comprendra. Aujourd’hui, là maintenant, il sombre. Il les déteste. Il les vénère. Trop loin et trop proche. Il ne sait pas trop ce qu’il ressent, il ne veut pas les voir. Pas les voir. Au fond, il sait. Que c’est mal, qu’il creuse. Encore et toujours. Il ne veut pas les regarder, eux, qui se prennent pour ce qu’ils ne seront jamais. Il ne veut pas observer leur regard, blessés, détruits, appauvris par ce jeune qui n’en a rien à foutre. Il ne sait pas. Pourquoi il est. Comment il est. Un mot, un signe, c’est tout. Ça fait longtemps qu’il a oublié la saveur d’une caresse, d’une admiration. D’un clin d’œil et d’un sourire. Sauf elle. Elle cette petite brune aux yeux trop grands, au cœur trop haut. Elle aussi il ne peut la voir. Son regard adorateur, ses mains qui s’agrippent, ses jupes qui se fripent. Il n’a jamais été là pour elle. Depuis, il cherche le bouton, celui qui pourrait le faire revenir, dans les abîmes de ses souvenirs, de ses envies. Pour elle, il ferait tout. Pour elle, il sauterait. Sans jamais lui dire, sans jamais lui montrer. C’est dur. C’est bon. C’est violent. Rejet. Haine et amour. Alors il s’éloigne, toujours plus loin. Déshonneur, désespoir, il ne leur convient pas, il n’est pas comme eux. Oublié. Archibald est devenu Archi. // Comment ça se passe au lycée ? : Et Archi continue, il s’étend, court et s’ouvre au monde. Archi, il n’aime personne, mais il s’aime lui. Il en a rien à foutre de rien. Il vit sa vie, boit, fume, baise, caresse de ses longs doigts les formes voluptés au détour d’un couloir, derrière une porte, contre une fenêtre. Il a oublié l’idée de rester assis durant une heure. Le bruit de la craie contre un tableau, il ne sait plus. Il ne se souvient plus. Lui, il préfère les bancs du préfet. Archi, il aime l’extérieur, quand personne ne vient l’emmerder. Quand dans sa main son joint s’éteint. Seul. Dehors, sans obligations, il marche, il trouve, il vit. Archi, il sait écrire, mais il n’écrit plus. Il déteste ses murs froids, blancs qui l’entourent, qui le retiennent dans un monde où la vie est trop forte. Mais en même temps, Archi, il ne veut pas quitter ce monde. Son monde. Il y est roi le petit. On l’aime, on le déteste. On l’adule, on l’enfonce. Mais il est sûr. Sûr de lui, de son monde, de ses doigts. Son royaume, son enfer, son désertoir. Archi, il aime approfondir les matières. Il connaît tous les recoins de l’endroit, toutes les pièces, toutes les jupes et les lèvres. Archi, il s’embrume et s’envole. Se tait et écoute. Et cogne. Il cogne. Ses doigts sont rouges, le blanc des murs s’évapore. Il n’a pas peur Archi, mais il a la frousse. Que tout s’écroule. Encore une fois.