Décris-nous ta relation avec tes parents : M'man elle s'est tirée, les mains dans les poches et le nez retroussé. M'man elle avait mieux à faire, mieux à vivre, mieux à être. M'man elle a pas aimé que je déforme son si joli ventre pendant neuf mois, que je pleure les nuits noires et que je l'aime à en perdre la raison, comme tout garçon, comme tout rejeton. M'man elle m'a laissé seul avec p'pa, p'pa qu'est brisé, p'pa qu'est un fantôme, pas tellement humain. P'pa il m'aime à s'en retourner les intérieurs mais ça le casse en dedans que j'sois encore là et pas m'man. P'pa il l'aimait plus que sa pauvre carcasse, plus que l'argent et l'or, plus que la chair de sa chair. Mais j'suis tout ce qu'il lui reste, un début d'homme pas bien formé qui leur ressemble, un démon revenu du passé pour hanter ses plaies qui ne guérissent pas. P'pa c'est un ours mal domestiqué, p'pa il est maladroit, et moi j'supporte plus la crevure dans ses yeux quand il me parle, quand il me r'garde, p'pa j'lui fait du mal rien qu'en existant, p'pa il tuerait des galaxies pour mon bonheur, mais p'pa il pleure de l'intérieur. J'suis un gamin qu'elle a laissé, avec un père qu'elle a abandonné, et sans m'man l'univers s'est arrêté.  
Comment ça se passe au lycée ? : C'est les fusibles qui explosent et les étincelles qui nous perforent le centre de l'humain. Des filles aux jupes courtes couleurs d'envies, des garçons aux rires senteurs liberté. Quatre murs et un peu de vent, le coeur qui bat doucement. C'est dormir discrètement le front sur les bras, c'est marcher la tête haute et les dents éclatantes, c'est ne jamais oublier qu'on a moins de vingt ans. Les matins feignants, les soleils transparents. Le lycée c'est les journées sans saveurs, l'ennui qui rampe malgré la fierté, souvent, des sourires de p'pa, parce que lui j'le décevrai pas. Pour p'pa le lycée c'est le début du tout, alors on s'y gratte les plaies pour s'en créer de nouvelles mais sur le papier blanc mal imprimé, c'est un putain de trophée. Pour p'pa le lycée c'est ça, les bulletins, les notes, et tant que ça ne redescend pas, ça n'importe pas qu'le p'tit Lu se perde avec candeur. C'est pas entre quatre murs qu'on apprend, mais c'est entre quatre murs qu'on trouve de quoi apprendre. C'est là qu'existent les débuts, les renouveaux et les pas qui trainent. C'est toutes nos première fois. Celle de l'alcool, celle du tabac, celle de cette fille et de ce type, celle de nous trois. Et toutes les autres fois.